Ils ont bonne presse ces fruits, naturels, sains, riches en vitamines, minéraux, fibres, et très appréciés de nos oiseaux, les fruits peuvent pourtant s’avérer nocifs à long terme.
Pour tâcher de vous convaincre, je vais m’atteler à vous expliquer précisément pour quelles raisons les fruits devraient être donnés avec parcimonie, voire plus du tout pour les perroquets souffrant de soucis de santé.
L’élément qui pose problème lors de la consommation d’un fruit s’avère être le fructose.
Le fructose est un sucre, au même titre que le glucose. Ces sucres sont naturels et présents dans un ensemble d’aliments (fruits, céréales, légumes, miel).
Comme le nom l’indique, le fructose se trouve en grandes quantités dans les fruits.
La différence entre ces deux sucres réside dans la manière dont l’organisme les utilise.
En effet, leur traitement par le corps est très différent !
Lorsque le glucose est consommé par l’animal et qu’il arrive dans le sang, il est véhiculé jusqu’à l’ensemble de ses cellules qui pourront ainsi l’employer directement pour produire de l’énergie. Le sucre est le carburant préféré d’un organisme !
Le fructose quant à lui ne peut pas être utilisé tel qu’il se présente par nos cellules.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il devra être traité exactement comme une toxine, au même titre que l’alcool par exemple, et c’est le foie qui s’en occupe.
Quitte à consommer du fructose, autant en faire quelque chose !
Pour pouvoir être exploité par l’organisme sous forme d’énergie, le foie va se charger de modifier le fructose au travers d’un enchaînement de réactions enzymatiques dont je vous épargnerai les détails.
Le premier point qui pose problème survient déjà à cette étape ! Ce processus enzymatique génère de l’acide urique, qui est certes un anti-oxydant naturel, mais qui en trop grandes quantités peut occasionner des maladies métaboliques, telle que la goutte.
Je tiens à repréciser « en trop grandes quantités ».
Le fructose apporté par les fruits n’est pas le diable, ni même toxique, mais c’est la dose qui fait le poison, comme on dit.
Puis, à l’issue de cette métabolisation par le foie, le sucre devient graisse !
En effet, le fructose est ainsi transformé en acides gras ou triglycérides qui seront alors stockés en majorité par ce même organe. Ce phénomène d’engraissement du foie s’appelle la stéatose hépatique, ou foie gras.
C’est ainsi que les espèces migratrices telles que les oies accumulent avec facilité des réserves en vue du long voyage qui les attend en fin d’été. Les fruits de la belle saison auront largement contribué à charger leur foie en réserves de graisses.
La principale différence entre nos perroquets de compagnie et les oies réside dans le fait que l’organisme de ces dernières gère naturellement, sans conséquences sanitaires, cet apport conséquent et saisonnier de fructose dans leur régime alimentaire.
Lorsque le fructose est apporté à l’excès, ou lorsque le foie est déjà surchargé, les triglycérides produits seront acheminés vers les réserves de graisses périphériques abdominales ou viscérales = ce qu’on appelle communément les mauvaises graisses.
(Les lipomes chez les rosalbins et amazones ça vous parle ? J’dis ça, j’dis rien…)
Pour ne rien arranger à cette affaire, le foie produit naturellement du cholestérol qui permet le transport de ces triglycérides dans le sang jusqu’aux autres zones de stockage des graisses (en partie, car le cholestérol ne sert pas qu’à ça, mais passons).
C’est de cette façon que des dépôts graisseux se forment ainsi dans les vaisseaux sanguins, obstruant la circulation sanguine et exposant à la longue l’individu aux maladies cardiovasculaires.
Nos perroquets ne sont pas migrateurs pour la plupart des espèces détenues en captivité et ne subissent pas des périodes de disette qui justifieraient une nécessité de faire des réserves de graisses importantes.
Ceci explique pourquoi nos oiseaux sont prédisposés à faire un foie gras lorsque leurs sont fournis quotidiennement des sources de fructose. La nature ne les a pas préparé à une forte consommation de ces sucres !
Ils développent alors très rapidement des soucis de santé courants et largement représentés chez les individus captifis inactifs.
Je vous entends déjà hurler : « oui , mais nos perroquets sont frugivores ! Ils trouvent bien des fruits à foison dans leur environnement naturel ! Puis, ils aiment tellement ça ! »
Eh bien… oui et non.
Premièrement, les perroquets peuvent effectivement avoir accès à des fruits, mais uniquement de façon saisonnière. La plupart des arbres vont produire durant quelques semaines seulement, ce qui représente une part négligeable du bol alimentaire annuel des espèces.
Deuxièmement, les baies et fruits consommés n’ont absolument rien de comparable aux fruits goûteux, sucrés que nous achetons dans nos supermarchés et que nous leurs servons en abondance chaque jour en pensant bien faire !
Nous avons oublié que la plupart des fruits que nous consommons aujourd’hui sont issus d’un long processus de sélection.
Pommes, bananes, ananas, cerises, pastèques, raisins et autres délices pour les papilles, ne ressemblent en rien à leurs ancêtres, jugés trop acides ou trop amères. Ils sont désormais bien plus gros, plus lourds et plus riches en fructose que ces derniers.
Nos perroquets disposent normalement des variétés non domestiquées de fruits, accessibles une partie de l’année seulement, alors que dans nos sociétés de surproduction nous n’avons même plus conscience de l’existence de ce phénomène de saisonnalité.
De plus, la plupart des espèces consomment des fruits à peine mûrs dans leur environnement d’origine, parfois encore verts et âpres, pour éviter d’entrer en compétition avec d’autres espèces frugivores, singes et autres oiseaux.
Le fructose s’avère être en plus un sucre particulièrement addictogène et orexigène, contrairement à son cousin le glucose qui a un pouvoir rassasiant. Si les industriels s’évertuent à en mettre absolument partout dans les aliments transformés, ce n’est pas uniquement pour une histoire de goût ! Même si son pouvoir sucrant est supérieur par dessus le marché !
Je vous invite à vérifier par vous même pour confirmer mes dires.
Ce sucre a donc pour effet de favoriser l’addiction à l’aliment ET d’ouvrir l’appétit plutôt que de calmer la faim.
Ceci explique pourquoi nos perroquets peuvent se gaver littéralement de certains fruits jusqu’à s’en distendre le jabot ! Et ceci explique pourquoi il peut être difficile de les sevrer du sucre ou de certains produits transformés pour humains ou pour oiseaux (les fameux cakes, pâtées aux œufs, extrudés, mélanges de fruits séchés, nectar pour loris…)
M’enfin, je n’invente rien, regardez et lisez les ingrédients de ce que vous achetez.
Attardons-nous ensuite un peu sur leurs dépenses énergétiques.
Si en captivité la plupart de nos perroquets se contentent de virevolter au sein de nos maisons, leurs cousins sauvages parcourent quant à eux plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres en une seule journée !
Il subissent par ailleurs de plus grandes variations de températures journalières (ressenti de -4 degrés Celsius à Sao Paolo au Brésil l’hiver dernier), alors que nos compagnons à plumes vivent, la plupart du temps, dans nos intérieurs aux températures stables.
À ces ingrédients ajoutez l’ennui et la sous stimulation (interactions sociales et environnementales réduites), l’issue semble inévitable : nos perroquets ne peuvent que tomber malades avec un apport trop régulier en fructose.
Faut-il donc cesser de donner des fruits ? La réponse est non.
Encore une fois tout est question de quantités, de fréquence, mais aussi d’espèces et d’individus.
Certains groupes de perroquets, tels que les loridés, ont besoin de consommer des fruits quotidiennement.
Alors que d’autres, comme les cacatoès australiens, n’en mangent pas du tout.
Pour ma part, je considère les fruits comme des récompenses et les distribue plus volontiers au cours de la sortie vol libre journalière de mes dragonnus. Je favorise aussi les baies moins sucrées, les fruits de saison, encore un peu verts et riches en fibres, pour limiter l’apport en sucres et favoriser une assimilation plus lente par l’organisme.
Je les élimine complètement lorsqu’un perroquet est en surpoids, malade ou souffrant de problèmes de peau et de plumes.
Puis surtout, je distribue dans le bol alimentaire quotidien tout un ensemble de légumes qui apportent les mêmes nutriments que les fruits, mais sans les sucres, ou beaucoup moins.
« Oui mais ils n’aiment pas les légumes ! »
Je sais, mais il existe des trucs et astuces à connaître pour encourager leur consommation.
Dernière information, le fructose est présent également dans de nombreuses céréales, tel que le blé ou le maïs. Le fructose du maïs est d’ailleurs devenu l’une des principales sources (si ce n’est LA principale source) industrielles de sucre aux États-unis.
À ce propos, je vous invite à retourner vos paquets d’extrudés et jeter un œil sur les ingrédients qui les composent… encore une fois, j’dis ça, j’dis rien.
Quand on conseille les céréales et les fruits pour éviter aux perroquets de faire un foie gras, faudra juste qu’on m’explique…
Sources :
« Fructose des fruits, ange ou démon ? » Dr Réginald Allouche, hépatologue.
« Le fructose : l’ennemi méconnu du foie » Jean-Brice Thivent
« Le fructose endommage le foie » Julien Venesson